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par Marcel Bolle de Bal
Coll. Témoins d'Histoire, 1
188 pages, illustré
2003. Épuisé
/
ISBN: 2-9600371-0-3

Les survivants du boyau de la mort

Lettres de deux jeunes Wallons en 14-18


21 mai 1916, Paul Heuson, volontaire de guerre, est grièvement blessé au Boyau de la Mort, près de Dixmude. Par miracle, il échappe à la mort. Depuis l'hôpital de l'Océan, à La Panne, il initie une correspondance fraternelle avec son ami Jean Bolle, lui aussi volontaire de guerre, lui aussi affecté à la défense du Boyau de la Mort où il séjourna d'octobre 1916 à novembre 1918.

Près de quatre-vingt lettres viennent d'être retrouvées dans les archives familiales. Elles constituent des documents riches, authentiques, parfois bouleversants, sur la vie quotidienne dans les tranchées, mais aussi – fait plus surprenant – sur la genèse des problèmes linguistiques et « communautaires » au sein d'une Belgique déjà menacée en son existence : à l'heure où les survivants de la Grande Guerre se font hélas de plus en plus rares, voici, soudain ressuscitées, deux voix nous parlant d'un temps révolu, celui d'une Europe déchirée.

La valeur historique, sociologique et politique de ces documents ne peut manquer de retenir l'attention, non seulement des spécialistes de ces disciplines, mais aussi des citoyens désireux de mieux connaître et comprendre les réalités vécues d'une page douloureuse de l'histoire de leur pays.

Extrait

Le 4.11. 1917

Mon cher Paul,

 Je suis descendu cette nuit d’avant-postes après trois jours de première ligne, fourbu et en piteux état, quoique relativement je suis encore un des plus frais. […]

 […] Zone arrière peu sûre, constamment bombardée. Relèves des plus pénibles. Barrages sur routes et passerelles. Batteries partout et constamment battues. On n’arrive que rarement sans pertes. Aux tranchées, bombardement incessant depuis O heure jusqu’à 24 h. Obus, bombes, torpilles, etc... Nous sommes plutôt supérieurs d’ailleurs.

 Gaz presque tous les jours, attaques d’infanterie des Boches, raids offensifs des nôtres (au bataillon plus de 30 évacués pour les gaz). Ravitaillement aux tranchées devient irrégulier, souvent gaz rend le pain inmangeable, alors ceinture. Bref, le soldat belge commence à faire son instruction de la guerre.

 Le plus intéressant de l’histoire, c’est que tout cela fait plutôt monter le moral du piotte, si éreinté soit-il. Il n’y a que les vraiment poltrons chez qui la kloppe prend alors des proportions phénoménales.
 Du coup, on ne parle plus guère de la question fla. Elle existe toujours mais on attend une accalmie pour en recauser. En tout cas, je crois que nous finirons par avoir raison. Nous voulons la sépa. Les chefs fla à l’armée (entendons-nous : ceux du mouvement) la veulent aussi. Il n’y a de différences que dans des questions de détail.

 Contre nous le gouvernement lui évidemment unitaire. Mais eux et nous réunis aurons certainement raison du gouver aussitôt cheux nous.

 Affusionnons-nous.

À toi. Jean.